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L’appel d’intellectuels: « Il faut boycotter les JO d’hiver de Pékin ! »

Vendredi 10 décembre 2021. La présidente de la LDIF a signé la tribune collective, les JO d’hiver de Pékin représentent le contraire d’une Trêve Olympique

EXCLUSIF - Dans une tribune collective au Figaro, plus de vingt-cinq universitaires et écrivains, dont Marie Holzman, Pascal Bruckner et Nathalie Heinich, demandent aux autorités françaises que nos sportifs ne participent pas à ce qu’ils qualifient d’«opération d’enfumage d’un État militaro-policier totalitaire qui instrumentalise le sport».

Du 4 au 20 février prochains, le régime totalitaire chinois doit organiser les Jeux olympiques d’hiver sur neige artificielle à Pékin. Les membres du Comité international olympique (CIO), manifestement indifférents au dérèglement climatique et au bilan carbone désastreux de l’une des villes les plus polluées au monde, avaient décidé l’attribution dans une parodie de vote en juillet 2015. Au même moment, l’appareil sécuritaire chinois déclenchait l’opération «7.09» et raflait plusieurs centaines d’avocats spécialisés dans la défense des droits de l’homme et des droits civiques. Le message était clair et Thomas Bach, l’opportuniste président allemand du CIO, ne pouvait pas ne pas l’entendre: la chasse aux «déviants idéologiques» allait désormais être organisée par le «président à vie» Xi Jinping. Le «Grand Timonier» néo-maoïste devait en effet accentuer la mise sous tutelle de la population par la surveillance panoptique généralisée et le lavage de cerveau nationaliste.

Contrairement aux illusions nourries par les tenants de «l’esprit olympique», le régime chinois ne s’est nullement «démocratisé» grâce aux Jeux de 2008 qui masquèrent à l’époque la «guerre populaire» au Tibet (209 morts en mars 2008). Les autorités chinoises mènent depuis une politique de destruction culturelle et physique des Ouïgours en tant que groupe ethnique. Trois millions d’entre eux sont maintenus dans des camps de travaux forcés et Amnesty International qualifie de «crime contre l’humanité» le traitement qui leur est infligé. Par ailleurs, à Hongkong où les manifestations hostiles à la tutelle de Pékin sont durement réprimées, la loi de «sécurité nationale» voulue par Xi Jinping étouffe les libertés de la presse et de toutes les associations démocratiques.

Ceux qui en France - à droite comme à gauche - estiment avec beaucoup de naïveté ou de complaisance que le régime national-communiste est «inoffensif» ou «conciliant» doivent se rendre à l’évidence: c’est le régime chinois, et lui seul, qui par ses incursions aériennes et navales provoque de vives tensions militaires contre Taïwan et se prépare ouvertement à une attaque d’envergure pour l’intégrer dans «une seule Chine». La dictature chinoise est une puissance militaire hostile à ses voisins en accentuant sa pression annexionniste sur les îlots de la mer de Chine. Elle constitue une menace directe pour la paix dans le monde.

Dans la tradition des régimes totalitaires avec lesquels le CIO noua naguère des complicités profondes, le Parti communiste chinois instrumentalise cyniquement les Jeux comme une arme d’autoglorification et d’intimidation géopolitique

Au nom de l’idéologie mystificatrice de la «paix» et de la «trêve» olympiques, les JO de Pékin vont accompagner l’offensive globale du régime pour asseoir la domination de son leadership dans le monde. Dans la tradition des régimes totalitaires avec lesquels le CIO noua naguère des complicités profondes (l’Allemagne nazie pour les Jeux d’hiver et d’été en 1936 et l’Union soviétique pour les Jeux de Moscou en 1980), le Parti communiste chinois instrumentalise cyniquement les Jeux comme une arme d’autoglorification et d’intimidation géopolitique.

Le boycott diplomatique décidé par les États-Unis est un premier pas dans la prise de conscience, mais c’est notoirement insuffisant au regard de la volonté de puissance d’un régime qui étend partout son pouvoir financier, commercial et industriel dans de nombreux secteurs stratégiques. Xi Jinping et Thomas Bach répètent déjà à l’unisson le mantra habituel utilisé depuis des lustres par tous les idéologues de la collaboration avec des régimes exécrables: «Ne mélangeons pas le sport et la politique.»

Or, le sport, comme tout le reste dans les États totalitaires, est totalement politisé. La joueuse de tennis Peng Shuai a disparu pendant plusieurs jours après avoir osé accuser de viol l’ex-vice-premier ministre Zhang Gaoli. Forcée de démentir ses propos lors d’une mise en scène officielle qui n’a trompé personne, elle est désormais placée en isolement surveillé. L’association des joueuses de tennis, la WTA, constatant que Peng Shuai était soumise «à la censure, à la coercition et à l’intimidation», n’a pas hésité à suspendre tous ses tournois en Chine et à Hongkong au nom des libertés, de l’égalité et de la sécurité des sportives et des femmes du monde entier.

Se rendre aux Jeux d’hiver, ce n’est pas simplement y faire du ski, du patinage ou du tourisme sportif, c’est participer à une opération d’enfumage d’un État militaro-policier totalitaire qui instrumentalise ouvertement le sport comme un moyen d’encadrement idéologique. Les sportifs chinois «scientifiquement augmentés» par un dopage d’État bien documenté par l’Agence mondiale antidopage vont en effet être transformés en ambassadeurs de la politique de grande puissance de l’empire du Milieu. Les compétiteurs étrangers parqués dans un «village olympique» étroitement surveillé deviendront ainsi les otages de la loi du silence imposée par les censeurs du CIO et les agents de sécurité chinois. Ils n’auront que le droit de se taire ou de répéter les lénifiants propos des officiels. C’est pourquoi nous incitons les sportifs professionnels, leurs entraîneurs et leurs accompagnateurs à refuser de se rendre à Pékin au nom du respect des droits de l’homme.

Les journalistes seront eux aussi muselés et fermement «invités» à ne parler que de performances, de médailles et de podiums. Nous appelons les agences de presse des pays de l’Union européenne qui respectent les codes de déontologie de leur profession à refuser de couvrir la mascarade olympique de l’État chinois et à faire connaître les motifs de leur décision.

Au nom des idéaux démocratiques dont ils se réclament, nous demandons au gouvernement français et à ses ministres, notamment celui de la Jeunesse et des Sports, ainsi qu’aux autorités sportives - le Comité national olympique et sportif français et ses membres associés - de ne pas envoyer de délégation olympique à Pékin et de refuser de participer aux parades sportives d’un État qui cherche à déstabiliser par tous les moyens l’Europe considérée comme un obstacle à sa politique d’hégémonie.

Au nom des valeurs qui la fondent nous demandons également à l’Union européenne et à ses institutions (Parlement, Conseil, Commission) de soutenir clairement les États membres et les fédérations olympiques qui décideront de boycotter les Jeux de Pékin en refusant de cautionner l’imposture d’une vaste opération de propagande. Nous demandons donc aux groupes parlementaires démocratiques de l’Union européenne, aux associations humanitaires et de défense des droits de l’homme (Amnesty International, Human Rights Watch…) de se mobiliser pour qu’aucun sportif européen ne participe aux Jeux à Pékin.

La liste des signataires:

- Gilles Bataillon, directeur d’études à l’EHESS, Paris
- Jean-François Braunstein, professeur de philosophie contemporaine à l’Université Paris I
- Jean-Marie Brohm, professeur émérite de sociologie à l’Université Montpellier III
- Pascal Bruckner, philosophe et écrivain, Paris
- Christian Godin, philosophe, Paris
- Nathalie Heinich, sociologue, Paris
- Marie Holzman, sinologue, présidente de l’association Solidarité Chine
- Marc Jimenez, philosophe et essayiste, Paris
- Laurent Loty, historien des idées scientifiques et politiques au CNRS, Paris
- Catherine Louveau, professeure émérite de sociologie à l’Université Paris Sud UFRSTAPS
- Céline Masson, psychanalyste, professeur à l’Université de Picardie Jules Verne
- Isabelle de Mecquenem, professeur de philosophie à l’Université de Champagne-Ardenne
- Bernard Michon, professeur émérite de sciences sociales à l’Université de Strasbourg, président d’honneur de l’Université Marc Bloch de Strasbourg
- Robert Misrahi, professeur émérite de philosophie éthique à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
- Fabien Ollier, directeur de la revue Quel Sport?, Paris
- Laetitia Petit, maître de conférences-HDR en psychologie clinique à l’Université Aix-Marseille
- Robert Redeker, philosophe et écrivain, Toulouse
- Louis Sala-Molins, professeur émérite de philosophie politique aux Universités Paris I et Toulouse II
- Xavier-Laurent Salvador, maître de conférences-HDR à l’Université Sorbonne-Paris-Cité
- Daniel Salvatore Schiffer, philosophe et écrivain, Bruxelles
- Annie Sugier, présidente de la Ligue du droit international des femmes, Paris
- Jean Szlamowicz, linguiste, professeur des Universités à l’Université de Bourgogne
- Pierre-André Taguieff, philosophe et politiste, directeur de recherche au CNRS, Paris
- Jacques Testart, biologiste et essayiste, directeur de recherches honoraire à l’Inserm, Paris
- Anne Van Haecht, professeur émérite de sociologie à l’Université Libre de Bruxelles
- Patrick Vassort, maître de conférences-HDR en sociologie à l’UFRSTAPS de Caen

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