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"Afghanistan : ouvrez les écoles de filles !"

Tribune signée par la LDIF, publiée le 5 avril 2022 dans Marianne.net https://urlz.fr/hUbn

Tribune collective
« Nous exigeons la réouverture immédiate des écoles de filles en Afghanistan et appelons à une large mobilisation internationale à cet effet », écrivent, dans une tribune, un collectif de mouvements féministes laïques.

« Nous exigeons la réouverture immédiate des écoles de filles en Afghanistan et appelons à une large mobilisation internationale à cet effet », écrivent, dans une tribune, un collectif de mouvements féministes laïques.

Mercredi 23 mars, jour de rentrée scolaire en Afghanistan, les talibans ont fait encore une fois la démonstration, de leur haine des femmes et des filles en leur interdisant l’accès à l’éducation. Dès leur retour au pouvoir à la mi-août 2021, ils avaient pris la décision de fermer les écoles secondaires des filles (12 à 19 ans) dans la majeure partie du pays. La semaine dernière, pourtant, un espoir était né. Malheureusement, cette fenêtre s’est vite refermée.

Tôt en matinée, le 23 mars, des filles avaient repris le chemin de l’école espérant ainsi renouer avec leur vie d’autrefois. Après quelques heures seulement, leur joie a cédé la place à une profonde tristesse. Des milliers de jeunes écolières et collégiennes furent ainsi brutalement renvoyées chez elles. Les portes closes des établissements scolaires ont laissé des scènes de grande désolation.

Un porte-parole des talibans a confirmé ce que nous redoutions déjà, les écoles des filles resteront bel et bien fermées, malgré une promesse de réouverture faite à la communauté internationale dont l’une des exigences concernait cet indispensable retour à l’école en plus de deux autres considérations qui consistaient à la mise en place d’un gouvernement « inclusif » représentatif de l’ensemble de la société afghane – ce qui n’a pas été fait – et de la lutte contre le terrorisme.

Cette volte-face était-elle prévisible ? Que dit-elle de la naïveté de la communauté internationale vis-à-vis d’un groupe terroriste des plus sanguinaires qui a fait de la détestation des femmes un programme politique et ce, dès 1996, avec leur célèbre slogan : « La femme n´a aucun droit et elle doit être effacée de l´espace public. »

« Depuis septembre dernier, les femmes sont plongées à nouveau dans un monde des plus archaïques et obscurantistes subissant au quotidien de terribles violences. »

C’est d’ailleurs l’uniforme scolaire qui a servi de prétexte pour faire éclater, encore une fois, les pires hostilités envers les écolières et collégiennes. Les tensions portaient sur leurs tenues vestimentaires. Les talibans ne supportant pas l’uniforme scolaire actuel laissant apparaître leur visage et pour quelques-unes une partie de leur chevelure. Autrement dit, en contrepartie de l’ouverture des établissements scolaires pour filles, les talibans exigent le voilement complet de leur visage.

Pour des Afghanes, cette situation est insupportable. Certaines ont manifesté courageusement dans les rues de Kaboul, la semaine dernière, exprimant leur colère et leur indignation et scandant : « Ouvrez les écoles ! Justice, justice ! » avant que les rassemblements ne soient violemment dispersés. Depuis septembre dernier, les femmes sont plongées à nouveau dans un monde des plus archaïques et obscurantistes subissant au quotidien de terribles violences. Certaines sont arrêtées et maltraitées. Malgré cela, leur désir de liberté demeure intact. Certaines poursuivent leur engagement avec une grande détermination contre les talibans montrant au monde entier la voie à suivre.

Nous, femmes européennes, sommes à leurs côtés, solidaires de leur combat et admiratives de leur lutte. Nous condamnons fermement la volte-face des talibans et plaidons en faveur d’une politique féministe des affaires étrangères qui place les femmes au cœur des relations internationales. Les droits des femmes font partie des droits fondamentaux universels, inaliénables et non négociables. Nous exigeons la réouverture immédiate des écoles de filles et appelons à une large mobilisation internationale à cet effet. Nous tenons à rappeler à nos États que toute reconnaissance du groupe terroriste des talibans est une trahison des valeurs européennes. Nous demandons que des représentantes de la société civile afghane soient présentes à la table des négociations.

POLITIQUE ÉTRANGÈRE FÉMINISTE

Malheureusement, jusqu’à présent, l’Europe affiche une grande ambiguïté vis-à-vis des talibans. En voulant apporter un soutien humanitaire à la population afghane, elle semble normaliser le mouvement terroriste. Pire encore, les initiatives prises par la Norvège, le 23 janvier notamment, semblent aller vers leur reconnaissance politique puisqu’une délégation talibane – exclusivement masculine – de 15 hommes avait été accueillie à Oslo avec des représentants des États-Unis, du Royaume-Uni, d'Allemagne, de France, d'Italie, de l'Union européenne et de Norvège. Nous attendons la réaction du Conseil de sécurité de l’ONU, qui, sur proposition de la Norvège, a prorogé et renforcé, le 17 mars dernier, la mission humanitaire de l’ONU en Afghanistan, pour protéger les droits des filles, notamment leur accès à l’éducation (Résolution S/2022/237).

La nouvelle ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock en poste depuis décembre 2021, a affiché sa volonté de se doter d’une politique étrangère féministe. La France et la Suède affirment conduire une politique étrangère féministe. Pourquoi ne pas commencer par exiger que des femmes de la société civile afghane soient présentes autour de la table des décisions et que leur parole soit écoutée ?
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Associations signataires :
1. Afghan Refugee Communitee in Belgium
2. Art Cantara asbl (Fery Malek-Madani)
3. Centre Communautaire Laïc Juif David Susskind (CCLJ) (Emmanuelle Einhorn)
4. Centre européen du conseil international des femmes (CECIF) (Brigitte Polonovski)
5. Collectif d’accord de ne pas être d’accord (Danielle Perez)
6. Collectif Laïcité Yallah (Djemila Benhabib)
7. Comité de soutien aux Femmes Afghanes du Club L (Adrienne Axler)
8. Femmes ici et ailleurs (Magazine) (Pierre-Yves Ginet)
9. Femmes Solidaires (Sabine Salmon)
10. Forum femmes Méditerranée (Esther Fouchier)
11. Frauen für Freiheit e. V. (Femmes pour la liberté), (Rebecca Schönenbach)
12. La Fondation Anne-Marie Lizin (Michel Lizin)
13. La Palabre (Khady Koita)
14. Les Résilientes (Rachida Hamdan)
15. Les VigilantEs (Christine Le Doaré)
16. Libres Mariannes (Laure Caille)
17. Ligue du Droit International des Femmes (Annie Sugier)
18. Migrantinnen für Säkularität und Selbstbestimmung (Naïla Chikhi)
19. Mouvement Pour la Paix et Contre le Terrorisier (Huguette Chomski Magnis)
20. NEGAR-Soutien aux Femmes d'Afghanistan (Shoukria Haidar)
21. Network of Afghan Diaspora Organisations in Europe-NADOE (Lailuma Sadid)
22. Observatoire Féministe des Violences faites aux Femmes (Viviane Teitelbaum)
23. Regards de Femmes (Michèle Vianès)
24. Réseau Féministe « Ruptures » (Monique Dental)
25. Synergie Wallonie pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (Reine Marcelis)
26. Valeurs et Spiritualité Musulmane de Belgique (Ismaël Touil)

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