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Rencontres d’Automne de l’association Unité Laïque

Date de publication : 10 octobre 2022. Table ronde n°2 : Sport et émancipation :
La présidente de la LDIF intervenait en tant qu’experte lors de cette table ronde (voir la photo ci-dessus : de gauche à droite : Stéphane Artano, sénateur, Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice, David Roizan chercheur associé auprès de la Fondation Jean Jaurès, Nicolas BonnetèOulaldji, conseiller de Paris, Annie Sugier, présidente de la LDIF).

SPORT ET EMANCIPATION
Je me réjouis que les organisateurs aient retenu le sport parmi les thèmes de ces rencontres, car il s’agit du phénomène culturel les plus populaires au monde : près de 4 milliards de personnes regardent les Jeux Olympiques, soit la moitié de l’humanité. La Coupe du monde football se situe juste en dessous en termes d’audience.

(1) UNE VISION IDYLLIQUE DU SPORT QUI A RETARDE LA PRISE DE CONSCIENCE DES DERIVES

Idéalement, le sport moderne, parce qu’il libère le corps de ses entraves et qu’il impose le respect de règles techniques mais aussi éthiques universelles est à la fois émancipateur et intégrateur. D’où l’intérêt porté au sport par les politiques de la ville dès les années 90. Mais aussi après les émeutes de 2005, et en 2015 avec la promotion des Plans Citoyens du Sport après les attentats de Charlie.

Or justement parce qu’il permet la socialisation des jeunes et qu’il est demeuré longtemps peu surveillé, le sport s’est révélé propice à l’affichage de revendications islamistes voire à l’exercice d’une prédication islamiste.

Alertes négligées. Le lien entre sport et radicalisation a été perçu très tôt par des chercheurs et des acteurs de terrain, comme Médéric Chapitaux auteur du livre « le sport une faille dans la sécurité de l’État ». D’autres signaux qualifiés de « faibles » n’ont pas été davantage pris en compte, tels que la lente exclusion des femmes et des filles des clubs sportifs des cités sensibles, mise en évidence dans le rapport « Femmes et sport » en 2004 de Brigitte Deydier, ancienne DTN de la Fédération de judo.

Même surdité à l’égard des alertes de la Ligue du Droit International des Femmes, sur la promotion par l’Iran, au niveau international, d’un modèle sportif féminin satisfaisant aux exigences islamistes (corps couvert de la tête aux pieds, disciplines non mixtes et coran compatibles). Exigences qui ont pour but affiché d’« éviter la corruption qui pourrait naitre de la présence simultanée d’hommes et de femmes dans un même espace » (cf. notre livre : « comment l’islamisme a perverti l’olympisme »).

Modèle sportif féminin islamiste qui a séduit les grandes marques telles que Nike, ou Mattel, … N’oublions pas l’épisode Decathlon en France… Et pour cause : le marché de « la mode modeste » représentait environ 500 milliards de dollars en 2019 selon l’Institut de Recherche Thomson Reuters !

Il faudra attendre l’été 2015 avec la note confidentielle de la SCRT sur « Le sport amateur vecteur de communautarisme et de radicalité » pour que les pouvoirs publics prennent conscience du danger.

Types de risques : Le Vademecum du Conseil des sages de la laïcité, intitulé « Liberté d’expression, neutralité, et laïcité dans le champ des activités physiques et sportives » distingue trois types de risques : prosélytisme, communautarisme et radicalisation.

Le prosélytisme se manifeste par des pressions « amicales » de certains fidèles musulmans aux pratiques radicales qui investissent les lieux sportifs. Le communautarisme constitue un degré supplémentaire dans les revendications religieuses : certains clubs associatifs- football, basketball, boxe, boxe thaïlandaise, lutte- deviennent des clubs religieux avec des règlements intérieurs incluant des prescriptions à caractère religieux ». Quant au radicalisme religieux, il peut précéder un éventuel passage à l’acte violent.

En résumé : les dérives sont d’ordre idéologiques (idéal de société) et sécuritaires. C’est ce deuxième aspect qui mobilisera davantage les pouvoirs publics ; le parent pauvre de cette politique sera la construction d’un contre-discours républicain et laïque d’autant qu’il se heurtera à des divergences de vue au sein même des associations laïques.

(2) DES MESURES TARDIVES A L’EFFICACITE INSUFFISANTE


Les mesures prises par les pouvoirs publics et les dirigeants sportifs, feront l’objet d’enquêtes et d’analyses de la part de missions ou commissions du Sénat, de l’Assemble Nationales, de l’inspection générale de la jeunesse et des sports, du Ministère de l’Intérieur, du Conseil d’État, du Conseil des sages de la laïcité.

La Commission d’Enquête du Sénat sur le radicalisme islamiste est particulièrement sévère au regard des mesures prises par les pouvoirs publics « réponse tardive et insuffisante des fédérations et de l’État, bilan mitigé de l’inclusion du sport dans les plans successifs de prévention de la radicalisation, absence d’approche homogène face au séparatisme communautaire et à l’incursion du religieux dans le sport ».

Il faudra en effet attendre le 2ème Plan d’Action gouvernemental contre la Radicalisation et le Terrorisme (PART) de 2016, pour que la palette des actions de vigilance soit élargie au sport Ce thème sera plus largement développé en 2018 dans le cadre du Plan National de Prévention de la Radicalisation (PNPR), avec des mesures portant sur la vigilance, la formation, le contrôle, et la désignation de responsables citoyenneté dans chaque fédération.

Des ambiguïtés sur le fond. Comment former correctement les professionnels visés si les pouvoirs publics et les formateurs eux-mêmes ne sont pas d’accord sur ce qu’ils sont censés dénoncer ?

Chacun y va de sa vision de la laïcité qui incontestablement s’applique au personnel d’encadrement des fédérations sportives délégataires de services publics mais qu’en est-il des pratiquants – femmes ou hommes ? Qu’en est-il des clubs privés ?

Les divergences de vue sur ces sujets ont pour origine, deux visions différentes de la société : une vision multiculturaliste, rebaptisée « inclusive », et une vision universaliste.

Les inclusifs considèrent que doit primer la liberté d’expression. C’est par exemple Mme Roxana Maracineanu, alors qu’elle était ministre des sports, déclarant devant la CE du Sénat : « Le sport que je défends est un sport inclusif, où tout le monde a sa place ; où chacun arrive comme il est ». Ou qui écrit en introduction du guide de la laïcité de son ministère (2019) : « qu’expression du fait religieux et laïcité ne sont pas en soi, incompatibles dans le champ du sport ».

C’est aussi l’UFOLEP (Union Française des œuvres laïques et d’éducation physique), qui publie également un guide sur le même sujet (2019), proposant d’être « Raisonnablement accommodant », et dans lequel est mise en exergue une citation de Pierre Tournemire, administrateur de la Ligue de l’Enseignement « Notre société est durablement multiculturelle ».

Les universalistes considèrent qu’il faut respecter la loi commune en se référant aux « principes éthiques fondamentaux universels » tels qu’inscrits dans la charte Olympique, et déclinés dans les règlements sportifs, notamment la règle de neutralité (règle 50.21inscrite dans les règlements sportifs, outil plus puissant que la laïcité car il s’applique aussi bien au personnel d’encadrement qu’aux sportifs indépendamment du sexe (« Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique »).

Les associations sportives ont le droit d’inclure cette obligation dans leurs règlements. Rappelons que le code du sport reconnaît un pouvoir normatif au mouvement sportif (articles L 131-1 à L 132-2) l’autorisant à se doter de règles qui visent, au-delà des aspects techniques et organisationnels ou sanitaires, à promouvoir les idéaux du sport.

Cette position, nous la portons dans tous les combats juridiques de la LDIF avec M° Linda Weil-Curiel et, plus récemment dans l’affaire des Hijabeuses avec M° Thiriez.

(3) QUESTION A DEBATTRE : QUEL CONTENU POUR LE CONTRAT D’ENGAGEMENT REPUBLICAIN ?

La loi du 24 août 2022 visant à renforcer les principes républicains, comporte un volet sur le sport.

Le régime de tutelle de l’État sur les fédérations sportives est remplacé par un régime de contrôle. Ce qui est une bonne chose. Désormais, l’agrément des associations sportives accordé par le ministère est conditionné à la signature d’un contrat d’engagement républicain.

Reste que le contenu de ce contrat est imprécis.

L’amendement des sénateurs visant à « interdire le port de signes religieux ostensibles (dont le voile) pour la participation aux événements sportifs et aux compétitions sportives organisées par les fédérations », n’a pas été retenu. Le gouvernement n’a pas davantage entendu l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi qui allait dans le même sens en citant la règle 50.22. Il n’a pas non plus suivi la proposition n°35 de la Commission d’Enquête du Sénat préconisant d’« introduire dans les statuts de chaque fédération la référence à la règle 50 ». Règle qui est également citée dans le Vademecum du Conseil des sages.

Il y a urgence à clarifier la doctrine des pouvoirs publics en matière de neutralité dans le sport dans la perspective des JOP de Paris 2024.

Rappelons que lors de la candidature de Paris à l’organisation des Jeux, plus de 50 métropoles à travers le monde avaient soutenu cette candidature considérant que Paris « dispose des atouts et de la volonté nécessaires pour donner un nouveau souffle aux valeurs olympiques. ». Les atouts sans aucun doute, mais la volonté ?

Cette ambition pourtant s’impose d’autant plus qu’on assiste à une poussée de l’islamisme dans les écoles, à travers le port de vêtements politico-religieux, dans le sport par les recours devant le Conseil d’Etat, au moment même où en Iran, les femmes maintenant rejointes par les hommes dénoncent le sens du voile.

C’est d’un idéal de société dont il s’agit : eux savent pourquoi ils agissent, nous devons le savoir aussi.

Annie Sugier
, présidente de la Ligue du Droit International des Femmes

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1 Règle 50.2 « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou emplacement olympique ».
2 « le Conseil d’État estime que le contrat de délégation de l’État à une fédération créé par le projet de loi pour les fédérations délégataires pourrait utilement comporter un engagement selon lequel la fédération assure la promotion et la plus large diffusion des valeurs et principes qui inspirent le 2 de l’article 50 de la Charte Olympique ».
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