LDIF, Ligue du Droit International des Femmes
A LA UNE LA LDIF VIOLENCES SPORT INTERNATIONAL
TRAVAIL CITES LAICITE MATERNITE CONTACT

LDIF > Actualité internationale

La LDIF à New York lors de la Commission du Statut des Femmes (CSW 69)

12 mars 2025. La LDIF à New York lors de la Commission du Statut des Femmes (CSW 69)
Intervention sur "UN CRIME CONTRE L’HUMANITÉ: L'APARTHEID FONDÉ SUR LE SEXE"


Devant le scandale que constituent les violences de toute nature et privations de droits s'appliquant aux femmes en Afghanistan et en Iran, du fait même de la législation de leur État, Regards de Femmes en collaboration avec la Ligue du droit international des femmes (LDIF), a organisé un événement parallèle dans le cadre de la conférence de l'ONU.
Son objet était de proposer l'évolution de la loi internationale afin que ces violences institutionnelles soient qualifiées de crime contre l'humanité, tel que défini par le Statut de Rome, de la Cour Pénale Internationale, en remplaçant le mot "race" par celui de "sexe": "actes inhumains commis dans le cadre de régimes institutionnalisés d'oppression et de domination d'un sexe sur l'autre".
Cette définition est préférée à celle de persécution sexiste du Statut de Rome car cette dernière ne rend pas compte du fait que les régimes politiques visés se construisent sur la domination et l'oppression d'un groupe sur l'autre.
On notera que trois anciennes ministres étaient présentes : Nicole Ameline, Isabelle Rome et Laurence Rossignol. Madame Rome, Ambassadrice des Droits Humains, s'exprimant à titre personnel, a dit son approbation de la proposition présentée par lors de l’atelier.

Quelle suite, avec quelles alliances?
Les Nations Unies ont créé un groupe de travail chargé d'actualiser la liste des crimes contre l'humanité.

Sur l'initiative de Malte, six autres pays ont proposé que l'apartheid fondé sur le sexe soit ajouté à cette liste.
Il s'agit maintenant de s'engager dans un lobbying afin que d'autres États les rejoignent et en premier lieu la France.
Et de même auprès des parlementaires et diverses personnalités dont la voix sera entendue, mais en prenant garde de ne pas interférer avec les initiatives qui pourraient avoir été prises par d'autres groupes.
Participaient à notre panel, notamment les éminents Karima Bennoune, Friba Rezayee et Me Hirbod Dehghani. Shirin Ebadi, Prix Nobel de la Paix de la Paix est intervenue en visio.

Annie Sugier,
Présidente de la LDIF
----------------------------------------------------------

Apartheid fondé sur le sexe, crime contre l’humanité,
Intervention d’Annie Sugier, présidente de la Ligue du Droit International des Femmes
12 mars 2025, évènement parallèle de Regards de Femmes dans le cadre de la CSW69 à New York.

J’interviens aujourd’hui en tant que fondatrice avec Simone de Beauvoir de la Ligue du Droit International des Femmes, sans doute la première association féministe qui a qualifié d’apartheid des régimes fondés sur la séparation des sexes et l’infériorisation des femmes.

Cela s’est fait en trois étapes : un déclencheur : la révolution islamique d’Iran, un moment particulier : la fin de l’apartheid racial en Afrique du Sud, enfin, aujourd’hui, la reconnaissance des violences extrêmes dont sont victimes les Iraniennes et les Afghanes et de leur résistance.

1-1979, LA RÉVOLUTION ISLAMIQUE D’IRAN ET L’ANNONCE PAR KHOMEINY DE L’OBLIGATION DU PORT DU VOILE.
Nous prenons conscience qu’un mouvement peut se parer des couleurs de la révolution et promouvoir une brutale régression du droit des femmes à travers l’obligation du port du voile qui symboliquement et concrètement impose la séparation des femmes et des hommes.
Des dizaines de milliers d’iraniennes descendent dans les rues aux cris de « nous n’avons pas fait la révolution pour ça ».

Quelques-unes d’entre nous iront sur place les soutenir. Simone de Beauvoir sera l’une des rares personnalités du monde intellectuel français à prendre position sur le sujet en s’inquiétant du sort réservé aux femmes.

Ce sera la raison même de la création de notre association quelques années plus tard en 1983, une façon de poursuivre le combat pour promouvoir une vision universaliste du droit des femmes indépendamment des cultures et des religions.

En 1989, le débat se déplace en France, lorsque trois collégiennes sont exclues de l’établissement scolaire de Creil pour avoir refusé de retirer leur voile. On oublie souvent qu’à ce moment-là les associations féministes sont conscientes du danger . Un communiqué commun est publié le 25 octobre 1989 : « les médias ont occulté un aspect fondamental de cette affaire, à savoir que le voile est le symbole du développement séparé réservé aux femmes et à l’inégalité entre les hommes et les femmes qui en découle ».

2-1991, FIN DE L’APARTHEID RACIAL /1992 : L’AFRIQUE DU SUD EST DE RETOUR AUX JO DE 1992 A BARCELONE après 30 ans d’exclusion des JO.
Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Barcelone, au moment du passage de la délégation d’Afrique du Sud composée de Noirs et de Blancs, la presse du monde entier se réjouit que la « fête soit enfin complète », mais personne ne semble remarquer que 35 délégations ne comprennent pas de femmes, notamment des pays islamiques dont la République islamique d’Iran.

Avec Anne-Marie Lizin, future présidente du Sénat belge, alors eurodéputée et alliée de la LDIF, nous dénoncerons ce que nous qualifierons pour la première fois d’apartheid dans un communiqué et des lettres aux ministres : « Quand cessera-t-on de réserver le mot apartheid à la notion de différence raciale et non de sexe en cette matière ? » (27 juillet 1992).

Réaction du CIO : François Carrad, Directeur Général du CIO déclare « c’est une attaque contre la religion »/Fékrou Kidane, alors bras droit du président du président du CIO, s’indigne que nous osions une telle comparaison, qu’il qualifie d’« insulte à Mandela et au peuple sud africain et aux Noirs en général », car, ajoute-t-il « l’apartheid a été dénoncé par l’AG des NU comme un crime contre l’humanité, ».

Aux Jeux suivants, à Atlanta en 1996, le CIO comprend qu’il doit faire pression sur les pays qui n’envoient pas de femmes. Il le fera en acceptant les conditions posées par l’Iran: l’obligation du port du voile, la non-mixité et les disciplines coran compatibles, toutes conditions contraires à la Charte Olympique. Il cautionne ainsi la propagande dans le lieu le plus regardé au monde, le Stade Olympique, d’un modèle de société fondé sur l’apartheid sexuel.

Pourtant le président Rafsandjani avait affiché clairement le sens des conditions posées et acceptées par le CIO (1): « le sport pour les femmes est un must mais qu’il faut éviter la corruption qui pourrait naître de la présence simultanée d’hommes et de femmes dans le même espace ». D’où l’obligation du port du voile.

Ce combat, dans le cadre des Jeux Olympiques, nous le poursuivrons jusqu’en 2024 avec l’organisation d’un parcours de flamme symbolique à Paris place de la Bastille, le 23 juin 2024 et le soutien d’un COLLECTIF PARIS 2024.

3- LES VIOLENCES LES PLUS RECENTES A L’ENCONTRE DES IRANIENNES ET DES AFGHANES OUVRENT ENFIN LES YEUX DES PLUS RÉTICENTS
Deux dates clés marqueront un tournant dans la perception internationale de la légitimité de la qualification d’apartheid sexuel : 15 août 2021 retour des talibans en Afghanistan/ 16 septembre 2022 assassinant de Mahsa Jina Amini, pour un voile mal porté ce qui déclenche le mouvement « Femmes, vie, liberté ».

C’est le moment que nous choisissons pour nous tourner vers les Nations Unies :

Le 25 décembre 2022 nous adressons des courriers aux hauts responsables au sein des Nations-Unies, dont le SG. Nous demandons l’extension de la convention internationale de 1973 sur l'élimination et la répression de l’apartheid au cas de l’apartheid fondé sur le sexe.

Le 1er février 2023, à notre initiative, le journal le Monde publie une tribune intitulée « la communauté internationale doit sanctionner tout système instituant l’apartheid sexuel » tribune signé par un collectif de juristes. Dont la prix Nobel de la Paix, Shirin Ebadi.

(1) Discours à Téhéran aux premiers Jeux de la Solidarité Islamique en 1993.)

Le mot apartheid sexuel commence à s’imposer pour décrire l’institutionnalisation de la ségrégation et l’infériorisation fondée sur le sexe.

-Un rapport d’enquête de parlementaires britanniques publié en mars 2024 préconise l’utilisation de cette notion pour qualifier les régimes en Iran et en Afghanistan

-Six pays ont proposé au TG des NU examinant la liste des crimes contre l’humanité, que soit ajouté la notion d’apartheid sexuel.

-Une Action Globale sous forme d’Appel a été lancé par les ONG de droits humains et des personnalités appelant les États à « reconnaître le crime d'apartheid de genre pour contrecarrer et mettre éventuellement fin aux systèmes d'apartheid de genre actuellement en place en République islamique d'Iran et en Afghanistan sous les talibans » (« Join the global action to end gender apartheid in Iran and in Afghanistan today)

Reste qu’un nouveau débat s’est invité dans la recherche d’une qualification juridique des systèmes en cause : s’agit-il d’une persécution sexiste telle que définie dans le texte du statut de Rome de la CPI parmi la liste des crimes contre l’humanité ou d’apartheid sexuel ce qui implique de modifier la convention de 1973.

Notre point de vue est que seul le concept d’apartheid rend compte du caractère systémique des violences dont sont victimes les femmes dans un régime de ségrégation et de domination institutionnalisé.

LDIF, La Ligue du Droit International des Femmes
6 place Saint Germain des Près 75005 PARIS France