Lettre ouverte de la Ligue à la première secrétaire du PS sur la burka
C’est avec consternation que nous avons appris la décision des députés socialistes, membres de la mission parlementaire sur le voile intégral, de se retirer des discussions en cours au sein de cette mission. Ils affirment la fois qu’elle a effectué un travail sérieux, tout en refusant de le cautionner et d’en voter le rapport.
La Ligue du droit des femmes
La Ligue du droit international des femmes
Associations créées par Simone de Beauvoir
La première secrétaire du PS
Mme Martine Aubry
Le 25 janvier 2010
Madame la première secrétaire :
C’est avec consternation que nous avons appris la décision des députés socialistes, membres de la mission parlementaire sur le voile intégral, de se retirer des discussions en cours au sein de cette mission. Ils affirment la fois qu’elle a effectué un travail sérieux, tout en refusant de le cautionner et d’en voter le rapport. Nous ne sommes pas dupes de la manœuvre politicienne, qui par la bande, à la fois fait payer à la droite par cette volte face, le débat sur l’identité nationale, objet de controverses, et envoie des signes rassurants à un électorat potentiel. Et nous sommes lasses de voir la gauche avoir comme seul projet de social de s’opposer à la droite et de gagner des voix. Rappelez-vous que les femmes ont assuré la victoire de F. Mitterrand en 80. Que faites vous des femmes dans vos calculs ?
Il faut rompre avec cette tactique des coups bas pour refaire enfin de la politique. Faire de la politique c’est se soucier d’assurer, sans tergiverser, le respect des lois de la république laïque. L’exhibition du voile bafoue ces principes en renvoyant les femmes à un apartheid d’un autre temps. Ce temps là, nous en sommes sorties ici grâce à nos combats laïques et féministes. Des voix unanimes se sont levées lors des auditions de la mission parlementaire, contre ce symbole d ‘oppression : Elizabeth Badinter, Yvette Roudy, la présidente de NPNS, les associations féministes auditionnées, des philosophes, des sociologues, des juristes toutes tendances confondues. Des femmes telles que Djamila Benhabib, touchée directement par l’islamisme, ont écrit à la mission. Des femmes telles que Taslima Nasreen, Ayan Hirsi Ali, des milliers d’iraniennes, vivent dans l’exil et l’errance, pour avoir refusé d’endosser ce vêtement de la honte. Cette gauche si prompte à défendre l’opprimé/e, est elle solidaire de leur combat, quand elle refuse d’interdire ici ce signe ?
Comment une de vos députées, Sandrine Mazetier peut-elle affirmer, en contradiction avec les interventions des autres députés socialistes, « nous ne pouvons cautionner ces travaux qui apparaissent de plus en plus clairement comme une diversion par rapport aux vrais problèmes sociaux ». Vouloir mettre un terme à une violence faite aux femmes, est une entreprise de diversion ?
Nous, militantes féministes de la première heure, qui avons toujours voté à gauche, nous nous posons aujourd’hui de sérieuses questions.
Lorsqu’il s’est agi de voter la loi Veil, sur l’interruption volontaire de grossesse, la PS n’a pas pensé un instant se retrancher derrière le fait que le gouvernement et le président étaient de droite. Que se passe-t-il donc aujourd’hui ? La gauche aurait-elle peur de se voir voler l’initiative par la droite ? Si vous voulez reprendre l’initiative, ce sera en osant avoir des convictions et en osant défendre sans ambiguïté ces fondamentaux que sont la laïcité et l’égalité entre les hommes et les femmes. La gauche porte, depuis les atermoiements de Lionel Jospin, sur la question du voile à l’école, une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Quand cessera-t-elle d’être à la traîne sur des sujets majeurs de société, par peur du politiquement correct ? Se retirer d’une mission aux travaux auxquels elle a activement participé, est une grave erreur, qui discrédite lourdement le PS.
Madame la première secrétaire, nous serons très attentives aux prises de position du PS en espérant que le renouveau dont vous voulez faire une marque de votre passage, soit un réalité et non un propos convenu,
Veuillez agréer madame la première secrétaire l’expression de nos meilleures salutations
Anne Zelesnky
Présidente de la Ligue du droit des femmes
Annie Sugier
Présidente de la Ligue du droit international des femmes
|