Le foulard islamique, tenue réglementaire aux JO ?
interview par le journal "Le Temps" de Genève de Annie Sugier, présidente de la LDIF et fondatrice du comité Atlanta+ sur la présence de femmes voilées aux Jeux Olympiques
Caroline Stevan/Le Temps
- Le sport en hidjab, ce n’est pas facile. Surtout, ça fait débat. Le Comité international olympique (CIO) a autorisé une athlète iranienne à porter le voile islamique aux prochains Jeux de Pékin. Alors même que les Français n’ont pas décroché le droit d’arborer le badge portant l’inscription « pour un monde meilleur » – comprendre : pour une Chine meilleure. « C’est comme s’il y avait deux poids deux mesures. C’est scandaleux », s’insurge Annie Sugier, présidente d’Atlanta +, une association militant pour la promotion des femmes aux Jeux olympiques. « La charte olympique impose la neutralité. On ne peut pas l’invoquer pour les badges français et l’ignorer à propos du foulard, continue-t-elle. Selon la règle 51, en effet, aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, un site ou un autre emplacement olympique ».
Le fait de se couvrir la tête peut-il être assimilé à une forme de propagande – ici religieuse ? Non, en a décidé le CIO. « Nous avons estimé que les motivations de cette Iranienne n’avaient rien à voir avec de la propagande. La règle 51 ne s’applique donc pas à cette situation. Nous voulions avant tout permettre à une personne qualifiée de participer aux Jeux, argue Emmanuelle Moreau, porte-parole du CIO. Le badge est une autre histoire. A la vérité, nous ne l’avons pas interdit, puisqu’aucune demande officielle ne nous a été faite. Nous avons simplement pris position. Et le comité national français a ensuite décidé de ne pas soutenir la demande de ses sportifs. Nous avions spécifié qu’une telle revendication serait examinée dans le cadre de son contexte. Or ce contexte, celui des tensions entre la Chine et le Tibet, était loin d’être neutre. »
Les Hexagonaux n’ont pas posé comme condition de porter le fameux badge. La sportive iranienne, championne de taekwondo, elle, ne viendra que si elle peut se couvrir du foulard. « On nous reproche assez la défection des femmes. Nous faisons un réel effort pour promouvoir leur participation et atteindre la parité. A Pékin, d’ailleurs, nous escomptons 45,4% de sportives », ajoute Emmanuelle Moreau. Selon le CIO, mieux vaut donc une femme voilée qu’une femme absente.
Cette année, sur 205 délégations, 9 seront uniquement masculines, contre 35 en 1992. Six sont musulmanes (Brunei, Oman, Qatar, Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Yémen), les 3 autres sont minuscules (îles Vierges, Antilles néerlandaises et Liechtenstein).
Pour Atlanta +, accepter le hidjab pour encourager la mixité n’est pas recevable. Anne Sugier : « Ne pas envoyer de concurrentes ou les envoyer voilées, c’est la même chose ! Une femme qui vit en Iran ne va pas se laisser mourir chez elle sous prétexte qu’elle refuse de porter le foulard, c’est évident. Mais là, nous parlons des Jeux ! La vraie question c’est : croit-on en des valeurs universelles ou non ? A l’époque, les athlètes Nawal el-Motawakel et Hassiba Boulmerka avaient été menacées parce qu’elles avaient couru en short. Si on autorise le hidjab, ces femmes-là n’auront plus le choix, elles devront le porter ! »
Le CIO, pour l’heure, défend une position « au cas par cas », et refuse de généraliser la pratique, bien que Téhéran ait déjà envoyé une athlète voilée par le passé. Des requêtes pourraient venir d’autres délégations, afghane notamment.
Hors des Jeux olympiques, la question se pose également. La Fédération danoise de football vient d’autoriser une joueuse d’origine palestinienne – sélectionnée en équipe nationale – à taper dans le ballon coiffée d’un fichu. « Il ne s’agit pas d’un foulard islamique », a tranché l’organisation (sic). Au Canada, des demoiselles voilées ont été écartées d’une compétition de taekwondo. A Paris, c’est une milieu de terrain du PSG qui a été évincée d’un match.
Maintes fédérations des différents sports s’abritent derrière des réglementations imprécises. « Le code du sport fixe ce que porte le joueur, non ce qu’il ne doit pas arborer, à l’exception des bijoux ou accessoires dangereux », indique la Fédération française de football. Idem à la FIFA, ou encore à la Fédération internationale de volley-ball, dont les statuts évoquent minutieusement les chaussettes, mais point le hijab. « Ce n’est pas que c’est autorisé, c’est que ce n’est pas interdit », résume l’entraîneur d’une équipe féminine.
En Australie, Aheda Zanetti peut se réjouir. Le « burqini » – tenue de sport large et couvrante qu’elle a conçue pour les musulmanes – est un marché porteur.
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