Les Nations Désunies : Comment l’ONU enterre les droits de l’homme
« Les Nations Désunies. Comment l’ONU enterre les droits de l’homme », un livre de Malka Marcovich.
Le titre du livre de Malka Marcovich sonne comme une condamnation sous la plume d’une historienne qui n’avance rien à la légère. Au cœur de cette réflexion le choc entre le relativisme culturel et les principes universels.
Ce sont les femmes et leur libération qui sont l’enjeu principal de ce combat.
Comme le note Elisabeth de Fontenoy dans une préface lumineuse, « le relativisme culturel suscite des oppositions à la conception occidentale de l’universalité, d’autant plus tragiques qu’elles sont jusqu’à un certain point légitimes. Mais, dès lors qu’on entendait élaborer un droit international, il fallait assumer dialectiquement ces conflits de valeur, reconnaître leur réalité et tenter de les dépasser au moyen de négociations de bonne foi ».
Naturellement ce n’est pas ce qui s’est passé. Et c’est toute la force de ce livre que de décrire pas à pas, depuis la Déclaration des droits de l’homme de 1948, les dérives d’une institution qui se transforme en une sorte de caisse de résonance des régimes autoritaires dont certains se parent de la respectabilité des lois religieuses. Ceux-ci ne puisent pas leur légitimité dans la reconnaissance des droits individuels de leur peuple – ce qui supposerait qu’ils aient instauré un système démocratique - mais dans leur souveraineté en tant qu’Etats.
De la décolonisation et de l’écroulement de l’empire soviétique aurait dû naitre un monde meilleur, malheureusement c’est à la contestation des principes fondateurs de la déclaration des droits de l’homme que l’on assiste. Une poignée de pays occidentaux démocratiques sont accusés d’avoir élaboré seuls ces principes – ce qui ne fut pas le cas comme le démontre l’auteure. Ils sont aussi accusés de les avoir eux-mêmes bafoués hier et aujourd’hui– ce qui est sans doute exact même si les torts sont partagés. Alors ces pays font profil bas quitte à sacrifier celles qui pâtissent le plus d’une telle trahison – les femmes - et qui pourtant n’ont guère pesé dans la longue histoire des oppressions/agressions entre les peuples.
La loi des chiffres est implacable, les démocraties sont minoritaires. La communauté internationale a triplé en cinquante ans (58 Etats étaient présents lors de la proclamation de la Déclaration universelle, dont 26 signataires, ils sont aujourd’hui 185).
Que s’est-il passé depuis 60 ans pour qu’aujourd’hui on en soit arrivé à douter de l’universalisme des droits humains ? Quels ont été les outils internationaux qui ont été détournés de leurs objectifs, quelles ont été les petites et les grande trahisons des gouvernements mais aussi des ONG – les vraies ou même les faux nez d’Etats totalitaires- quelle perversion des concepts et des mots faut-il débusquer pour que les véritables acteurs de ce désastre soient dévoilés ?
C’est tout l’objet du livre de Malka Marcovich qui depuis 1983 est engagée en faveur du droit des femmes.
1983, c’est justement l’année où Simone de Beauvoir, avec un groupe de militantes de la Ligue du Droit des Femmes auquel j’appartenais, créait une nouvelle association dont elle devenait la première présidente, La Ligue du Droit International des Femmes (LDIF).
Il s’agissait d’investir le champ international afin de dénoncer le fait que le droit des femmes varie au gré des zones géographiques, des religions, des cultures, sans que cela ne semble choquer la communauté internationale. Tout se passait comme si la notion de droits universels de la personne ne s’appliquait pas aux femmes.
L’objet de l’association était de « promouvoir un droit international pour les femmes indépendamment des zones géographiques, des histoires spécifiques et des cultures et de dénoncer toutes les formes de discrimination et de persécutions sexistes ainsi que toute agression sexiste à l’encontre des femmes ou des enfants de sexe féminin ».
Vision anticipatrice d’un futur qui allait être marqué par le développement de la mondialisation et les effets de la révolution culturelle iranienne ainsi que par les guerres du Moyen Orient, d’Afghanistan ou de Tchétchénie.
Ce qui rend l’analyse de Malka Marcovich tellement essentielle pour chacun(e) d’entre nous c’est qu’elle apporte des réponses précises aux questions que nous nous posons sur le comment, le quand et le pourquoi les choses ont si profondément changé en deux décennies ?
Pourquoi, ce qui en 1983 n’apparaissait que comme un résidu de l’histoire – la situation d’oppression extrême des femmes - est aujourd’hui devenu un modèle en pleine expansion revendiqué comme religieux et identitaire…. ? Un modèle qui s’affiche en opposition avec celui des droits universels et dont l’un des traits fondateurs est la séparation des sexes et le port du voile pour les femmes.
Il faut lire ce livre pour comprendre les étapes clés de ce pan de l’histoire de l’humanité et pour identifier qui est responsables de quoi dans ce dévoiement vertigineux d’un idéal.
Annie Sugier
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