En Arabie Saoudite, une pétition pour abolir la mise sous tutelle des femmes
Signé par des milliers de citoyennes mais aussi de citoyens, le texte appelle supprimer cette pratique qui oblige les Saoudiennes à demander l'autorisation d'un homme pour pouvoir travailler, étudier ou voyager.
Pour devenir «citoyennes à part entière» il faut que soit fixé «un âge pour la majorité des femmes à partir duquel elles sont adultes et responsables de leurs propres actes». Ainsi formulée, la revendication rappelle qu’en Arabie Saoudite, la femme vit et meurt sans accéder à la majorité. Elle ne peut rien décider ou entreprendre légalement sans l’autorisation de son «mahram», qui peut être son père, son mari, son frère ou même son fils.
Cette campagne pour mettre fin au système de tutelle de l’homme sur la femme a été lancée il y a deux mois sur les réseaux sociaux. «Elle s’est particulièrement accélérée après la création du hashtag en langue arabe "abolition de la tutelle", selon Aziza Youssef. L’universitaire saoudienne à la retraite, qui est l'une des principales initiatrices de la pétition, espérait la remettre en main propre au cabinet royal à Riyad. Mais on a refusé de la recevoir en lui indiquant qu’il fallait l’envoyer par mail. Elle l’a fait savoir aux agences de presse, donnant un écho international et un nouvel élan à cette initiative. Alors que la pétition avait réuni 14 700 signatures en début de semaine, elle aurait dépassé les 20 000 quelques jours après, selon ses promoteurs.
«La femme à l’époque pré-islamique avait plus de droits»
Ce n’est pas la première fois que les femmes saoudiennes se mobilisent pour leur émancipation, y compris sur cette question essentielle de la tutelle. Depuis 1991, plusieurs démarches ont été entreprises dans ce sens par des militantes des droits de la femme. Cette fois, plusieurs nouveaux facteurs ont permis à la pétition de bénéficier de plus de soutien et de retentissement. Le fait qu’il s’agisse d’un message s’adressant directement au roi Salman permet aux signataires de s’inscrire dans la loyauté à la monarchie et non comme contestataires. L’initiative a ainsi été accueillie avec bienveillance y compris parmi certains milieux religieux conservateurs. En outre, les femmes ne sont pas les seules signataires de cet appel. Des milliers d’hommes favorables à la fin de cette tutelle s’y sont joints.
Des pères, des maris et des frères saoudiens se sont manifestés autour du hashtag «abolition de la tutelle». «La femme à l’époque pré-islamique avait plus de droits qu'aujourd'hui chez nous», écrit un internaute en faisant valoir que «rien dans la religion musulmane n’interdit à la femme de jouir des droits réclamés». On peut lire dans un autre commentaire : «Voilà des femmes responsables qui font valoir leurs droits par des moyens pacifiques et certains veulent les accuser de n’avoir pas assez de raison !»
Les témoignages sur des pères et des maris ouverts et compréhensifs qui signent volontiers les autorisations de voyage ou de travail pour leurs filles ou femmes sont présents sur les réseaux sociaux. Mais les femmes saoudiennes ne se laissent pas amadouer pour autant.«Même si le tuteur est compréhensif, dans le fond il continuera de considérer qu’il t’a fait une faveur et pourra s’en faire valoir à la première colère», commente l’une d’entre elle.
Par Hala Kodmani — 28 septembre 2016 à 15:52
Photo : l'universitaire Aziza Youssef, lors d'une interview à Riyad, mardi. Elle est l'une des initiatrices de la pétition. Fayez Nureldine. AFP
Source : Liberation
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