Coupe du Monde féminine de football 2019 : Pas de voilées en vue !
Un répit avant les JO Paris 2024 ?
Le sport est et à toujours été porteur de problématiques allant au-delà de l’aspect strictement sportif de la compétition. La Coupe du Monde féminine de football 2019 semble en être épargnée mais le débat relatif à l’équipement des joueuses et l’interdiction de toute expression religieuse ou politique reste sous-jacent à l’horizon des JO de Paris en 2024. Linda Weil-Curiel, avocate reconnue, notamment pour avoir fait « criminaliser » l’excision et porté en France devant la Cour d’Assises une quarantaine d’affaires, porte un point de vue très différent sur ce sujet que d’autres associations. Egalement l’auteure d’un livre avec la participation de Natacha Henry, Exciseuse, suite à la condamnation et au procès retentissant de Hawa Gréou en février 1999 et co-auteure de « Comment l’islamisme a perverti l’Olympisme ? », 2018, Chryséis Editions, Linda Weil-Curiel s’exprime pour la Revue Politique et Parlementaire sur ce qu’elle décrit comme une propagande dans le milieu sportif s’appliquant aux femmes seulement et réduisant de manière significative leur capacité d’émancipation.
Les équipes qui vont s’affronter à compter du 7 juin devraient nous épargner que se pose ici en France l’épineuse question des signes ou tenues à caractère religieux qu’arborent certaines d’entre elles. En effet, ni l’Iran ni la Jordanie ou l’Egypte, par exemple, n’ont franchi les épreuves qualificatives.
Il est bon de rappeler que le football, qu’il soit pratiqué par des hommes ou des femmes obéissait, il n’y a pas si longtemps, aux mêmes règles jusqu’à ce que l’Iran exige que ses joueuses revêtissent une tenue correspondant à des codes religieux imposés lorsque que ce pays est devenu République Islamique en 1979. Auparavant les joueuses iraniennes ne se distinguaient pas des autres et portaient le short et le maillot classiques.
La FIFA a bien tenté de résister à ce qui pouvait s’apparenter à un putsch puisque soudain les joueuses se présentèrent vêtues de pied en cap, tête enveloppée dans une capuche bien ajustée, bras et jambes couverts, pour disputer leurs matches et seront bientôt imitées par d’autres équipes de la même sphère religieuse, avec la même revendication.
Dans un premier temps la FIFA a argué de son règlement intangible – la Loi 4 relative à l’équipement des joueurs interdisant notamment toute expression religieuse ou politique (1) - s’appliquant à tous, et par conséquent à toutes les joueuses sous toutes les latitudes. Spontanément les arbitres ont appliqué le règlement et des équipes ont été exclues des compétitions.
Finalement, l’opiniâtreté des Iraniens activement soutenus par le patron du foot de Jordanie, également président de la Fédération pour la région Asie et frère du roi de Jordanie, l’emportera au prix d’un stratagème démontrant que les principes peuvent être allègrement piétinés du moment que l’on impose sa propre loi : le costume revendiqué pour les footballeuses n’aurait en réalité aucun caractère religieux mais serait un « signe culturel » (2) ! La ficelle était grosse mais fut avalisée en 2012 malgré les vives protestations de la Ligue du Droit International des Femmes-LDIF, seule à se battre afin de maintenir la règle fondamentale et nécessaire de la neutralité religieuse des équipes sur le terrain.
Aujourd’hui les influences mêlées des riches et puissants Etats ayant l’islam en partage et des politiques multiculturalistes d’inspiration anglo-saxonne qui n’y voient pas malice, font que peu à peu les Fédérations Internationales modifient leur règlement pour satisfaire à une demande qui n’a rien de sportif et tout de la propagande, et qui bien sûr ne s’applique qu’aux femmes !
Voir tout récemment l’acceptation du voile par la Fédération de boxe et les menaces d’emprisonnement si elle rentrait en Iran pesant sur la première boxeuse iranienne de l’Histoire, Sadaf Khadem, entraînée en France alors que ce sport est interdit aux femmes en Iran, et qui a aggravé son cas en ayant un homme pour coach, Mahyar Monshipour, ancien champion du monde, et en boxant en short !
Et nos instances sportives ? La Fédération Française de Football avait rappelé dans un communiqué « son souci de faire respecter les principes constitutionnels et législatifs de laïcité qui prévalent dans notre pays et qui figurent dans ses statuts », et l’impétueux président de la Ligue de Football Professionnel, à l’époque Frédéric Thiriez, avait publié une tribune intitulée « Le voile est le linceul de l’esprit sportif », rappelant avec force que la décision de la FIFA modifiant sa règle « malmène les principes les plus fondamentaux du sport, tout autant que les droits des femmes ».
D’autres ont considéré que l’universalisme dit à la française n’avait plus lieu d’être, que le Comité International Olympique avait lui-même assoupli l’application de la Charte interdisant toute forme d’expression politique ou religieuse aux JO…Certes, tout le monde se souvient des images ridiculisant la jeune judoka Saoudienne portant un bonnet de bain sur la tête à titre dérogatoire, incapable de combattre car entièrement accaparée par la crainte de le voir glisser et de révéler sa chevelure, aux JO de Londres 2012 !
S’il s’agit d’une tendance irréversible, il faut le dire et changer les termes de la Charte Olympique qui affirme des principes universalistes et de non-discrimination faisant que les athlètes ne se distinguent que par leurs performances sportives et non par leur accoutrement et allégeances.
En France, il ne faut plus se cacher derrière son petit doigt et faire semblant de défendre encore les principes d’universalité en lançant un programme éducatif afin de préparer la « Génération 2024 » aux valeurs de l’olympisme, programme qui jusqu’à présent se révèle suffisamment – et volontairement ? – flou pour éviter les questions qui peuvent fâcher.
Provisoirement, et seulement grâce à l’absence de certaines équipes, l’épine devrait épargner notre talon cet été, mais il ne faut pas se leurrer, chaque compétition verra se poser la question des exigences extra-sportives dénoncées.
Alors en vue des JO Paris 2024, il faudra choisir : appliquer rigoureusement la règle actuelle de la Charte Olympique interdisant l’expression d’opinions politiques ou religieuses dans le stade, ou bien accepter que chacun(e) exprime ses croyances en arborant, par exemple une grande croix cousue sur son maillot, un turban, une kippa, un voile ou hijab, etc…
Et pourquoi pas une coiffe de plumes, ou une passoire à spaghetti pour les pastafariens adorateurs du spaghetti volant, le pastafarisme étant reconnu comme une religion aux USA.
Les athlètes de l’Antiquité concouraient nus ne se distinguant que par leurs seules qualités, et la Charte des Jeux modernes reflète ce principe.
Le Comité d’organisation des JO Paris 2024 déjouera-t-il les plus sombres pronostics en osant renouer avec les principes ?
C’est pour réaffirmer l’importance du respect des principes universels fondamentaux inscrits dans la Charte Olympique qu’une pétition a été lancée par un « COLLECTIF PARIS 2024 », comprenant plus de 100 associations et plus de 300 personnalités
qui sera transmise au Comité d’Organisation des JOP et aux dirigeants sportifs quand le chiffre symbolique de 2024 signataires aura été atteint.
Linda Weil
Avocate
Secrétaire Générale de la Ligue du droit international des femmes
Co-auteure de « Comment l’islamisme a perverti l’Olympisme ? » (2018, Chryséis Editions)
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1. « L’équipement de base obligatoire ne doit présenter aucune inscription politique, religieuse ou personnelle »
2. Argument présenté par le prince Ali devant l’IFAB- International Association Board, seule instance compétente en matière de règles du football, le 3 mars 2012.
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