LDIF, Ligue du Droit International des Femmes
A LA UNE LA LDIF VIOLENCES SPORT INTERNATIONAL
TRAVAIL CITES LAICITE MATERNITE CONTACT

LDIF > Liberté, Egalité, Fraternité... Laïcité

Traduction en français de la critique du livre : "Comment l’islamisme a perverti l’Olympisme"

03 avril 2020 : Traduction en français de la critique du livre : "Comment l’islamisme a perverti l’Olympisme". Parue dans The Ethical Record • Apr-May-Jun 2020 • Vol. 125 No. 2, Proceedings of the Conway Hall Ethical Society, signée par le Dr. Rumy Hasan.

S’il est un sujet qui est passé sous les radars du monde du sport en général, c’est bien le sexisme rampant des pays à majorité invariablement musulmane, se manifestant notamment dans le cadre des Jeux Olympiques et longtemps toléré par les gardiens des Jeux.

Annie Sugier, Linda Weil-Curiel and Gerard Biard co-auteurs du livre publié en première édition française en 2017, soulignent que dès 1992, lors de JO de Barcelone, 35 délégations ne comportaient que des hommes. Ce qui démontre que les filles et les femmes se voyaient refuser tout encouragement, soutien et mise à disposition d’installations leur permettant d’accéder à une pratique sportive de haut niveau. En d’autres termes, ce constat révélait sans doute qu’une  discrimination institutionnalisée fondée sur le genre  était - est encore-  une réalité dans ces pays. Qui plus est, jusqu’en 2012 aux Jeux de Londres, quelques pays continuaient à afficher une politique de non sélection de femmes.

Le CIO a été obligé d’agir et de menacer Brunei, le Qatar et l’Arabie Saoudite d’exclusion en 2012, s’ils ne sélectionnaient pas de femmes dans leurs délégations : les raisons  religieuses ou culturelles avancées pour justifier leur politique effrontément sexiste ont été considérées comme inacceptables. Toujours en 2012, le CIO a refusé de changer la date des Jeux, qui empiétait sur le Ramadan. Un représentant spécial ( Lassana Palenfo, ancien  ministre des sports de la Côte d’Ivoire), fut chargé de traiter ce sujet. Il déclara fermement :  “Les Jeux sont apolitiques, areligieux. Si l’on cède, les bouddhistes, les juifs demanderont des aménagements ».Tout cela représentait un pas en avant, et surtout, était conforme aux prescriptions de la Charte Olympique qui précise que “aucune sorte de démonstration, propagande politique ou religieuse ou raciale, n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ».(Rule 50.2).

Ces avancées ne doivent pas masquer une violation manifeste de cette même Règle 50.2 : l’autorisation donnée aux compétitrices musulmanes de porter le voile. Les auteur.es soulignent que  “Pensant peut-être ouvrer en faveur des athlètes musulmanes,  (cette décision)  en réalité fait le jeu de régimes théocratiques qui imposent aux femmes un statut de second rang et l’invisibilité de leur corps dans l’espace public ».

Depuis la révolution iranienne en 1979, et la prise du pouvoir par une théocratie islamiste, les femmes à toutes les étapes de leur vie – y compris dans la pratique du sport- ont été obligées de se couvrir de la tête aux pieds, une obligation profondément oppressive. Par la suite, d’autres pays musulmans, bien qu’à des degrés divers, ont suivi cet exemple. Alors qu’auparavant les athlètes femmes des pays musulmans portaient les tenues standards – habituellement des shorts et des T-shirts- elles se mirent à se revêtir de hijabs et de leggings complets pour satisfaire à leur « modestie ». Les auteur.es dénoncent sans ambages ces renonciations en affirmant que :  “au risque de perdre ce qu’il demeure des valeurs universelles, socle de l’olympisme, il faut oser aller à la confrontation avec les régimes qui imposent aux femmes des règles incompatibles avec les principes d’égalité et de non-discrimination énoncés dans la Charte Olympique ».

Le CIO a pris une position de principe lorsqu’il a exclu l’Afrique du Sud en raison de sa politique d’apartheid. Les auteur.es souhaitent qu’il en soit de même pour des pays comme l’Iran et l’Arabie Saoudite qui imposent l’apartheid sexuel. En tant qu’écrivain.es et activistes français, ils font campagne pour que le CIO et les organisateurs des Jeux de Paris, adhèrent fermement à la Charte Olympique lors des Jeux de Paris 2024.

Leur combat est particulièrement difficile étant donné la tolérance dont a fait preuve jusqu’à présent le CIO ainsi que d’autres instances sportives à l’égard des tenues islamistes. Autre éléments important : la puissance des pays membres de  l’Organisation  de  la Coopération Islamique qui poussent à une forme d’ « exceptionnalisme » islamique, non seulement  dans le cas du sport mais aussi dans d’autres aspects de la vie. De plus,  ils sont aidés par des Organisations musulmanes actives dans les pays de l’Ouest, et bénéficient du soutien de compagnons de route occidentaux , qui font fortement campagne pour que les musulmanes puissent exprimer leur religion dans leurs activités sportives. En effet, il est juste de reconnaitre que les gouvernements occidentaux et la société civile au sens large – y compris des groupes féministes-  ont accepté les arguments spécieux selon lesquels si les musulmanes ne bénéficiaient pas de mesures dérogatoires concernant leurs tenues, elles ne pourraient pas participer aux compétions sportives. Cet accommodement flagrant avec l’oppression des femmes doit être rejeté de même  le dogme religieux qui justifie le voilement des femmes et, ipso facto, leur statut de second rang,  étant donné que les garçons et les hommes,  quant à eux, ne sont pas tenus de se voiler.
  
Rappelons que, dans le passé, les femmes des pays à majorité musulmane participaient aux évènements sportifs à la fois dans leur pays et lors de compétitions internationales avec des tenues standards ; il n’était pas question de voilement. Il y a des photos qui frappent et attristent, montrant des sportives iraniennes avant et après la révolution de 1979 ainsi que des sportives turques avant et après l’arrivée au pouvoir du parti de l’AKP. Le pays qui opprime le plus les femmes est l’Arabie Saoudite qui ne permettait même pas aux femmes de pratiquer un sport.

Ce sont les réseaux femmes et sport et la conférence de Brighton, « Un défi pour le changement , en en 1994, rassemblant plus de 280 délégués représentant 82 pays, qui ont œuvré en faveur de cette exemption. Parmi les recommandations issues de la Déclaration de Brighton on relève la suivante :
 
Les responsables du sport (…) doivent s’assurer que les processus éducatifs et les expériences acquises dans le cadre de ces processus satisfont aux normes d’équité des sexes et aux besoins des athlètes féminines (…) offrent une représentation fidèle du rôle des femmes dans le sport et tiennent compte des expériences, des valeurs et des attitudes des femmes en matière de leadership.

Lors de l’atelier « Sport et Islam », piloté par des déléguées de pays Musulmans, en particulier par des Iraniennes, une recommandation est approuvée qui explicitement a pour objet de contourner la Règle 50.2 ainsi que des règles semblables d’autres Fédération. Elle préconise de  :
Faire pression sur les instances sportives internationales pour modifier les règlements afin qu’ils soient ‘inclusifs’ et non exclusifs. Ceci se rapporte particulièrement au costume lorsque le respect des règlements pourrait conduire à l’exclusion des musulmanes.

La poussée islamiste ayant pour objectif de contrevenir aux normes sportives portant sur les tenues vestimentaires a commencé ainsi à se faire sentir, avec un succès considérable, étant donné qu’elle s’est heurtée à très peu de résistance. L’étape suivant décisive dans cette entreprise, a été le séminaire organisé par l’Université du Sultan Qaboos à Oman, avec des déléguées des pays Musulmans et Occidentaux. La Déclaration ‘Accepte et Respecte’ a été rendue publique :

Nous exhortons les fédérations sportives internationales à manifester leur attachement à l'intégration en veillant à ce que leur code vestimentaire pour les compétitions satisfasse  aux exigences musulmanes, en tenant compte des principes de convenance, de sécurité et d'intégrité.
 
Les auteur.es soulignent qu’il s’agit en l’occurrence, de la première restriction implicite à la liberté des sportives en tant que musulmanes, restriction approuvée par les occidentales qui, de ce fait,  soutiennent les théocraties les plus régressives dont les lois et les politiques sont dégradantes pour les femmes. La position des occidentales non seulement sur ce sujet, mais en général dès lors qu’il s’agit de groupes religieux, se caractérise par un véritable relativisme culturel et moral.

Le point culminant de ce lobbying, sera, lors des Jeux de Londres en  2012, la présence de 17 délégations avec des femmes en tenue islamiste, en contradiction évidente avec la Règle 50.2 ; une grande victoire pour les Islamistes et les théocraties et une pression accrue sur d’autres fédérations sportives et sur les politiques afin qu’ils suivent cet exemple. Le niveau politique est atteint lors de la 5éme conférence mondiale des Ministres et Hauts Fonctionnaires d’Education Physique et de Sport qui s’est tenue à Berlin en mai 2013 et a débouché sur la Déclaration du même nom, soulignant :
 
(…) l’importance de l’intégration du genre qui est guidée par les concepts de diversité, de liberté de choix et d’autonomisation, lorsque sont entrepris des efforts en vue d’accroître la participation au sport et par le sport ;

(l’engagement des Ministres à ) offrir, dans le respect des législations nationales, des installations et des équipements appropriés ainsi que des possibilités d’opter pour des tenues adaptées aux capacités comme aux spécificités culturelles, en particulier pour les femmes et les filles ;
 
Suite à cette Déclaration, l’UNESCO a décidé en 2015, lors de son AG, de réviser sa Charte de 1978 dans laquelle le Sport était qualifié de « langage universel par excellence », ce qui, dans le texte révisé, est remplacé par la formule suivante : « les principes universels énoncés dans la présente Charte ». Or les seuls principes inscrits dans la Charte révisée font référence à la « diversité culturelle », ce qui est en contradiction avec le langage universel.

L’organisation en charge du sport le plus populaire au monde, le football, commença également à battre en retraite au regard de ses principes universels. En 2014, l’ International Football Association Board (IFAB), seule instance pouvant modifier les lois du jeu, a autorisé le port du hijab et du turban dans le football. A noter qu’il y eut un résultat comique suite à cette autorisation : en septembre 2015, Barney Henderson du Daily Telegraph fit savoir que 8 des footballeuses (sic)  de l’équipe de football féminine d’Iran étaient des hommes ! En dépit du fait que ils/elles jouaient en hijab, manches longues et survêtements, cette tromperie effrontée ne put être totalement cachée
.
Les auteur.es mettent en évidence le statut humiliant des filles et des femmes dans les pays à majorité musulmane qui ont été à la pointe des demandes d’exemption touchant aux codes vestimentaires pour les compétitions internationales- l’objectif de ces pays étant de maintenir ce qu’ils imposent aux femmes dans le cadre national. Cela a encouragé les musulmans à l’Ouest à en faire de même et avec succès ; les autorités succombant docilement à leurs demandes de peur d’être qualifiées de racistes et d’islamophobes. Résultat : sans pratiquement le moindre murmure de protestation, le voilement des filles et des femmes dans les activités sportives s’est répandu dans les pays occidentaux.

Les auteur.es mènent également une charge puissante contre les universitaires occidentales en particulier, celles qui ont pensé être utiles aux  musulmanes  en s’inclinant devant les exigences de ces théocraties. Ces universitaires portent ainsi, une lourde responsabilité dans le non-respect de la règle de neutralité, autrement dit de l’universalisme et de l’égalité dans le sport.

Pour que les Jeux de Paris 2024 imposent un retour à une stricte application de la Charte Olympique, il faudrait à la fois une volonté considérable allant dans ce sens accompagnée d’une campagne efficace de persuasion.  Sans aucun doute, Annie Sugier, Linda Weil-Curiel and Gerard Biard  poursuivront de façon implacable la défense de cette position de principe, vraiment progressiste. Cependant, il leur sera nécessaire,  afin d’avoir une chance de réussir, d’obtenir le soutien d’alliés en France, mais aussi en Europe et dans le monde. Leur petit livre est excellent pour attirer l’attention sur cette réalité importante bien que négligée qui devrait faire l’objet de l’attention des pays de langue anglaise, avec des interventions similaires sur le sujet.

Le Dr Rumy Hasan est maitre de conférences à l’Université de Sussex. Critique parue dans: the Ethical Record • Apr-May-Jun 2020 • Vol. 125 No. 2, Proceedings of the Conway Hall Ethical Society. 

-------------------------------------------------------
Lien vers la version anglaise ici

LDIF, La Ligue du Droit International des Femmes
6 place Saint Germain des Près 75005 PARIS France