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La valeureuse étudiante tunisenne, Khaoula Rchidi est recompensée

Cette étudiante avait tenté avec courage d'empêcher le "barbus" de profaner le drapeau national tunisien.
Réaction énergique et courageuse du Chef de l’Etat qui, en attribuant une médaille à Khaoula Rchidi, vient de rehabliter la prestigieuse faculté (FLAHM)victime de critiques ignobles, et du même coup prend publiquement ses distances par rapport au gouvernement qui n'ose pas affronter les groupuscules salafistes".


Pour en savoir plus:

LA FLAHM RÉHABILITÉE ?
par Ali Toumi Abassi, mardi 13 mars 2012, 10:43 ·

On ne l’a pas suffisamment compris, mais la FLAHM vient d’être réhabilitée en haut lieu et à point nommé. En décorant la valeureuse étudiante, Khaoula Rchidi, qui eut la témérité de rabattre le caquet au salafiste portant atteinte au drapeau national, le Chef de l’Etat n’a pas seulement honoré la jeune récipiendaire de la « médaille de la république », mais tout l’établissement que le salafisme et ses affidés insoupçonnés, autant que certains énervés en poste au gouvernement, voulaient traîner dans la fange, moyennant procès d’intentions peu plausibles, moult diffamations et de viles machinations.

Cela relève en fait du paradoxe. Là où le groupuscule salafiste croyait corser la pression sur la faculté, humilier au possible son doyen, harceler au maximum ses enseignants et son personnel et, évidemment, profaner le drapeau national, injustement associé par eux à toutes les vilenies du pouvoir déchu autant qu’aux fantômes d’une laïcité et d’une modernité qu’ils diabolisent, ils ont porté à un point paroxystique leur propre discrédit et mérité la gifle que la magistrature suprême leur a assenée.

A quelque chose malheur est bon, disons le, et tant pis si on verse dans cet esprit des candides qui voient dans la déconfiture de l’adversaire une justice du ciel ! Désormais, ceux qui sont alignés derrière la FLAHM, pour défendre sa cause juste ainsi que cet idéal de démocratie et de lumières dont elle est naturellement investie, comme toute l’université tunisienne, peuvent se frotter les mains et aller de l’avant dans l’accomplissement de leur auguste mission.

L’une des premières raisons d’une telle satisfaction est sans doute que, par l’insigne geste de Khaoula Rchidi, cette jeune étudiante notoirement studieuse et sans parti-pris politique ou syndical, l’institution vient de prouver qu’elle est non seulement un haut lieu d’éducation civique porteuse, mais aussi, au besoin, une gardienne farouche de ce qui fait l’essence nationale, alors que ses adversaires s’évertuent à lui coller l’étiquette d’une citadelle hautement marquée à gauche, voire un fief de la dissidence systématique et de la déculturation méthodique des masses. Il est suffisamment révélateur que cette « Marianne » tunisienne est une jeune fille d’un milieu modeste, originaire d’une ville de la Tunisie profonde (Gafsa), aussi bien à l’aise dans sa langue et sa culture maternelles que dans la langue et la culture françaises où elle se spécialise, au portrait exemplairement conforme aux visées authentiques et modernistes de l’école bourguibienne.

Non moins significatif est l’impact du geste profanateur du drapeau national sur la masse estudiantine de la FLAHM. Cette triste profanation a eu l’effet d’un électrochoc sur les étudiants présents et absents de la scène. Comme le montre la vidéo prodigieusement procurée par certains, les premiers se sont départis de leur posture de curieux badauds ou de spectateurs indifférents et, rejoignant Khaoula Rchidi, ils ont sauté le pas, au propre et au figuré, pour re-hisser le drapeau et protéger leur méritante camarade, dans une ruée où la solidarité grégaire égale sans doute le réflexe patriotique. Les autres, les absents, les passants, les fuyards, les attentistes, les silencieux savent désormais que le combat de la démocratie les concerne au plus haut point. Jamais plus, ils ne pourront faire l’autruche, puisque les ennemis de la patrie sont prêts à franchir toutes les lignes rouges, fussent-elle aussi essentielles et sacrées que le symbole de l’unité et de l’histoire nationales. La conscience estudiantine à l’échelle de la Manouba comme à l’échelle nationale se décline maintenant en un « avant » (la profanation du drapeau national) et un « après », au sens d’une évolution salutaire et tout à fait indispensable, dans le contexte global d’une Tunisie sous des secousses et divers tiraillements révolutionnaires.

L’opinion profite concrètement aussi de cette commotion subie par la FLAHM. D’aucuns étaient sans doute suffisamment acquis à la version réitérée par le ministre de l’enseignement supérieur et le ministre de l’intérieur qui minimisent le calvaire de cet établissement, et l’imputent officiellement à l’incompétence ou à la mauvaise foi du doyen. Personne n’aura dorénavant l’audace ou la naïveté de faire des dénis de réalité. De l’authenticité islamique ou de la défense des minorités niqabées, les salafistes djihadistes n’ont vraiment cure. Leurs doléances sont étrangères au droit, leurs méthodes condamnables font fi de la loi et leur projet idéologique ne reconnaît pas les valeurs communes aux Tunisiens, comme la spécificité ou l’unité nationales et leurs symboles sacrés.

Quant au positionnement de la faculté sur l’échiquier politique national auquel elle se trouve mêlée, malgré qu’elle en ait, il faut également se féliciter de cette bouffée d’air sain que lui apporte la réaction sans ambages, énergique et courageuse du Chef de l’Etat. En médaillant Khaoula Rchidi, certes, il réagit en Président de tous les Tunisiens et garant des valeurs de la République. Cependant, volontairement ou involontairement, il vient de laver la prestigieuse faculté des éclaboussures imméritées, tout en prenant publiquement ses distances par rapport au gouvernement convaincu de pusillanimité, pour ne pas dire de connivence aventureuse et malsaine avec le salafisme. Il est permis d’espérer un temps de répit que la faculté devrait faire fructifier pour vaquer aux activités inscrites dans sa vocation naturelle, à savoir l’enseignement et la recherche, mais également pour combler les brèches par où le salafisme s’y est infiltré, précisément l’information et la conscientisation de la majorité estudiantine silencieuse et en proie à la démagogie ou aux lavages de cerveaux extrémistes.

Le paradoxe de la profanation du drapeau national ne devrait plus être qu’un mauvais souvenir. Ce qui urge maintenant c’est la leçon pédagogique, culturelle et politique qu’il faut en tirer, au sein de l’établissement comme dans le pays et chez les acteurs de la scène politique. Sa gravité est telle qu’il faut appeler de tous nos vœux une conscience aiguë, commune, des enjeux que tous les Tunisiens ont en partage et des embûches qui jalonnent notre difficile parcours vers la réalisation des objectifs de la révolution.

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