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La LDIF sous souscrit à la courageuse déclaration de maires contre la burqa

La LDIF sous souscrit à la courageuse déclaration de maires contre la burqa et l'avis du conseil d'état

Déclaration solennelle dePhilippe Esnol, Maire de Conflans-Sainte-Honorine, Aurélie Filippetti, Députée de Moselle,
Odile Saugues, Députée du Puy-de-Dôme, Manuel Valls, Député de l’Essonne"
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Voile intégral : redonner le pouvoir au politique
S’il fallait résumer en substance l’avis du Conseil d’Etat autour du port du voile intégral, on pourrait le faire ainsi : créer un « processus d’extinction » de cette pratique, par une loi dans les services publics et par des mesures dissuasives, sans emprunter, pour autant, la voie de l’interdiction générale.
Première lecture qui était loin d’être évidente il y a quelques mois : l’idée même d’un recours à la loi, longtemps décriée et remise en question, est devenue un acquis. C’est une bonne nouvelle.
Mais l’avis devient vite alambiqué quand, dans une seconde lecture, on s’aperçoit que tout en refusant la prohibition sur l’ensemble de la voie publique, il propose néanmoins, dans le même temps, une série de mesures visant à étendre largement les possibilités d’interdiction dans « des circonstances particulières de temps et de lieux »… Outre les services publics,
l’interdiction pourrait s’appliquer notamment aux transports, aux commerces, aux accès aux banques, aux bijouteries, aux rencontres sportives, aux conférences internationales et plus généralement aux lieux privés accueillant du public… Mais on y évoque aussi la nécessité d’une loi dans les lieux où la reconnaissance de la personne est exigée : tribunaux, bureaux de vote, mairies, sorties d’école à l’occasion de la remise des enfants, lieux où sont délivrées des prestations médicales ou hospitalières, lieux de passage de concours ou d’examens, et enfin, lieux soumis à des interdictions liées à l’âge (cinémas, boîtes de nuit)…
Dans cet inventaire à la Prévert des interdictions limitées, on peut s’imaginer toute l’absurdité de la journée type d’une femme portant le voile intégral. En burqa dans la rue, mais plus en burqa dès lors qu’elle arriverait chez son commerçant. A nouveau en burqa dans la rue avant de se rendre chez son médecin traitant. Avec ou sans burqa dans la salle d’attente ? En burqa,
toujours, sur le chemin de l’école mais… plus en burqa devant la sortie des classes, etc.
Le Conseil d’Etat qui voulait mettre fin au « clair-obscur » place le législateur dans un grand embarras…
Mais cet avis pose un autre problème majeur. Il offre une porte de sortie à tous ceux qui ne veulent pas assumer leurs responsabilités. Car quel est le rôle des responsables politiques si ce n’est de prendre position en tranchant parmi des options afin d’éclairer les citoyens et d’offrir, à l’ensemble de la société, une issue ? Il s’agit d’assumer ce rôle, de reprendre nos prérogatives avec courage, sans oeillères, avec une éthique de vérité, en
acceptant de mener le combat juridico-politique jusqu’à son terme.
Car il faut le rappeler, l’avis du Conseil d’Etat est uniquement consultatif, il ne fait pas loi. D’ailleurs, 21 ans plus tôt, le même Conseil d’Etat avait émis un avis défavorable à l'interdiction des signes religieux ostentatoires à l'école. Ce qui n’a pas empêché la représentation nationale de voter la loi d’interdiction de 2004.
Il y a quelques jours, en Belgique, les députés, Flamands comme Wallons de tous les groupes politiques, n’ont pas eu les mêmes hésitations en adoptant à l’unanimité une proposition de loi prévoyant, de fait, l'interdiction totale du voile intégral, y compris sur la voie publique.
Il convient donc de prendre l’avis du Conseil d’Etat comme une base de travail pour mieux affûter les arguments juridiques en faveur d’une interdiction générale.
Premier argument opposé à ses partisans, celui de l’inconstitutionnalité. Il doit être étudié sereinement mais en aucun cas être pris comme un acquis. Nombre de juristes, et parmi eux les plus éminents, considèrent au contraire que le bloc constitutionnel peut servir de fondement à une interdiction générale de la burqa et notamment, par exemple, les articles 4, 5
et 10 de la Déclaration de 1789.
De même, la censure prétendue de la CEDH est peu probable dans la mesure où l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l'Homme précise, lui-même, les conditions de la limitation de la liberté religieuse qui, rappelons-le, n’est pas absolue. Ainsi il y est précisé que la liberté de manifester sa religion ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui,
prévues par la loi, constituent « des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre (…) ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Nous y sommes.
Mais surtout et c’est là l’essentiel, le port de la burqa est contraire à la dignité humaine dès lors qu’il installe dans l’espace public une hiérarchisation entre les individus : certains sont libres de se présenter comme bon leur semble devant autrui, quand d’autres, contraints à
porter un vêtement qui les couvre des pieds à la tête, sont condamnés à se mettre en retrait du regard de l’autre.
Vient enfin l’argument de la prétendue stigmatisation qu’impliquerait une telle loi vis-à-vis des musulmans de France. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, il est un piège dans lequel il ne faut enfermer personne. Car la burqa n’est pas affaire de religion, elle est le fruit d’une revendication à caractère extrémiste. Elle est un symbole idéologique visant à s’opposer ostensiblement à la société laïque. Dans ces conditions, associer la burqa à
l’Islam, c’est plonger les Français de confession musulmane dans une position intenable :
défendre leur religion, c’est défendre la burqa ! Or, c’est bien tout le contraire… Mais dans le même temps, il faut aussi être clair. Il est essentiel de bâtir avec eux un Islam de France fort et progressiste. L’Etat français, sans hypocrisie, doit notamment pouvoir les aider à sortir des caves indignes dans lesquelles ils ont été réduits à prier et construire sur l’ensemble du
territoire des mosquées ayant pignon sur rue.
Camus écrivait que « mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde ». Ainsi il faut dire que la burqa n’est pas l’Islam. La bannir de l’ensemble de l’espace public, c’est respecter les valeurs fondamentales de la République et c’est respecter l’Islam.
A cet égard, la position de la direction du Parti socialiste – dans son communiqué du 31 mars – n’est pas, elle non plus, un modèle de clarté. Comment peut-on, dans un même texte, réaffirmer une condamnation ferme du port du voile intégral, « pratique incompatible avec les valeurs de la République qui manifeste le refus du principe d’égalité entre hommes et femmes » et demander au gouvernement de respecter l’avis qui vient d’être rendu ?
La défense des valeurs républicaines ne peut s’accommoder des petits calculs de
boutique.
Républicains et progressistes, il nous appartient de rester fidèles à nous-mêmes et de tout tenter afin de dégager un consensus large autour d’une loi visant à proscrire le port du voile intégral dans l’ensemble de l’espace public.
Loin d’une loi de « circonstance », nous appelons l’ensemble de la représentation nationale à rejoindre cette position. Elle se grandirait en rappelant solennellement par la loi, applicable à tous, que tout individu est une personne unique et irremplaçable qu’on ne saurait faire disparaître en lui imposant le port d’un vêtement uniformisé contraire à sa dignité.

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